Page noire: Hommage à Mamoudou qui s’en est allé

Page noire: Hommage à Mamoudou qui s’en est allé

30 avril 2023 Non Par LA RÉDACTION

Eh oui, Mamoudou a été un pionnier et un sponsor de la presse écrite. Lui et Baïlo étaient à eux seuls toute la messagerie de la presse dans les premières années palpitantes qui suivirent la libéralisation de la presse écrite, début 1992.
Métier difficile et obstiné, comme la boulangerie. Le produit se consomme le jour mais se prépare la nuit.
Il fallait tout suivre à l’imprimerie (il n’y en avait pas des masses en Guinée) : le montage des cansons sur les plaques, l’insolation, le tirage offset en magenta, jaune, cyan et noir, pour la quadrichromie à la une, et celui en noir des pages intérieures, le rognage au massicot, la constitution des piles de journaux, leur transport et leur distribution aux chevalets et aux vendeurs à la criée dès 6h du matin… Un travail harassant, ponctuel et discipliné.
Tu as raison DBeck, Mamoudou finançait aussi les organes des petits patrons de presse qui étaient toujours dans la gêne financière…
La naissance de la presse indépendante, qui précéda le multipartisme, était un acquis majeur dans la promotion des libertés individuelles et collectives en Guinée. Un tremplin pour la résistance commune à l’autocratie. La presse écrite libre était un creuset d’idées fécondes pour le progrès général. Les plus beaux brins de plume abordaient vaillamment l’angoisse de la page blanche, ils apportaient leurs réflexions au public, ouvraient les esprits, suscitaient l’adhésion ou le rejet, parallèlement au journalisme professionnel factuel et d’investigation.
Nous les pionniers n’y gagnions rien, en publiant nos articles, parfois nos pamphlets ou nos brûlots, sauf à être soldats de l’information, pouilleux et disetteux, à mettre en péril notre sécurité personnelle dans un environnement où la critique (constructive) n’était pas toujours tolérée par les décideurs qu’elle visait, à
promouvoir la libre pensée et la perfection dans l’écrit journalistique, à défricher et aplanir la voie pour les générations ultérieures de journalistes.
La liberté de la presse écrite fut sans conteste un acquis majeur sous le régime d’exception dirigé par Lansana Conté. Accordée d’abord officiellement, elle fut ensuite véritablement arrachée de haute lutte par le courage et l’action. Ce fut, bien plus que l’action politique de l’opposition, le véritable rempart contre la dictature absolue, la gabegie financière, l’embastillement à tout va.
Et Mamoudou montait au front, il était en première ligne dans la distribution des journaux et tabloïds…
Il méritait un symposium.
Allah lui fasse miséricorde.

Par Albassirou Diallo (Elbechir)