Ils attendent depuis des heures en ligne à l’extérieur pour la visite médicale. « Je suis venu avec ma classe », explique Mykailo devant un centre de recrutement de l’armée ukrainienne, dans la banlieue de Kiev. Il n’a que 17 ans, mais doit faire valider son dossier avant une possible mobilisation à sa majorité et l’adolescent n’est pas très enthousiasmé par cette éventualité. Mykailo table sur les médecins pour être exempté : « Là, tout de suite, j’ai un rendez-vous avec le neurologue, j’ai aussi un problème grave de vue, c’est pourquoi je pense que je ne suis pas apte« , espère-t-il.
Pour les Ukrainiens en âge de combattre, la pression est d’autant plus grande que l’armée est devenue moins regardante sur la santé des engagés. Les critères ont été globalement resserrés, car elle manque de bras pour mener la contre-offensive contre la Russie. Depuis le début de la guerre, il n’y a aucun chiffre officiel des décès sur le front, mais les experts évaluent que le pays a perdu entre 100 000 et 150 000 hommes au combat. Officiellement, les troupes sont suffisantes pour constituer les huit brigades nécessaires, mais l’enthousiasme des Ukrainiens qui faisaient la queue devant les centres de mobilisation est retombé.
L’armée plus attentive à la mise à jour des dossiers
Yaroslav et Bogdan, jumeaux de 21 ans, sortent du bâtiment avec le sourire. En tant qu’étudiants, ils ne sont pas obligés de s’engager, mais suivent depuis longtemps une formation militaire en parallèle. « C’est mieux de s’engager, avec cette formation, on devient officier et non un simple soldat. Là-bas, tu reçois une bonne préparation, tu es plus compétent, détaille Yaroslav. Sur le front, il y aura des officiers et des soldats, mais si c’est possible d’avoir un grade, de se spécialiser, c’est mieux de devenir un officier plutôt qu’un soldat. »
« Si vous n’avez pas peur, c’est que vous êtes fou. Ceux qui combattent sur le front, ils sacrifient leur vie pour nous, tout le monde a peur de mourir là-bas »
Bogdan, étudiant ukrainienà franceinfo
L’Ukraine a besoin de soldats, et vite. De moins en moins d’exceptions sont possibles pour sortir du pays ou ne pas répondre à une convocation. L’armée est désormais plus attentive à la mise à jour des dossiers militaires de chacun. Les réseaux sociaux bruissent de rumeurs sur des médecins plus strictes sur les exemptions. Dmytro, 19 ans, musicien, se méfie : « Beaucoup de gens disent que la commission des médecins s’en fout maintenant. Ça ne me rassure pas, vraiment ».
« Qu’ils viennent me chercher en dernier »
Dmytro, quant à lui, espère ne pas tomber dehors sur des recruteurs de l’armée qui vérifient les statuts militaires : « Ce n’est pas possible de prévoir quand et où ils se trouvent, tout est tellement imprévisible. Soit on regarde sur des chaînes Telegram qui parlent des convocations, soit on peut demander des recommandations à des connaissances ».
Il y a aussi ceux qui se cachent pour échapper au front, comme Dyma, 47 ans. Il s’est pourtant déjà exercé aux armes : « Ceux qui partent combattre doivent être motivés. Tous ceux qui hésitent à y aller ou ceux qui ne veulent pas, ça devrait être interdit de les envoyer là-bas, car ils poseront plutôt des problèmes ». « Et si je ne peux vraiment pas y couper, dit Dyma, qu’ils viennent me chercher en dernier. »
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