Le Soudan s’embrase. Des combats opposent, dimanche 16 avril, l’armée régulière à des paramilitaires pour le deuxième jour consécutif à Khartoum, dans une lutte de pouvoir entre les deux généraux aux commandes du pays depuis leur putsch en 2021. Le bilan est de 56 civils tués en 24 heures. Franceinfo revient sur cette grave crise politique.
1 Que se passe-t-il ?
Depuis des semaines, ils s’opposaient politiquement. Mais samedi matin, les divisions entre le général Abdel Fattah Al-Burhane, chef de l’armée, et le général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), ont dégénéré en violences. Fusils, artillerie et avions de combat ont été utilisés dans la capitale et plusieurs villes de ce pays de 45 millions d’habitants.
Dimanche, de nouveau, les bombardements ont retenti dans les rues désertes de Khartoum envahies par une forte odeur de poudre. Sur les réseaux sociaux, les médecins n’en finissent plus de réclamer de l’aide, des couloirs sécurisés pour les ambulances et un cessez-le-feu pour soigner les victimes.
Selon l’AFP, il est impossible en l’état de savoir quelle force tient quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport en quelques heures samedi, mais l’armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L’armée a là aussi démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.
Quant à la télévision d’Etat, les deux parties assurent en avoir pris le contrôle. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu’à l’antenne – comme lors du putsch – seuls des chants patriotiques sont diffusés sans aucun commentaire.
2 Quel est le bilan humain ?
Selon des médecins prodémocratie, 56 civils ont été tués, pour plus de la moitié à Khartoum et dans ses banlieues, tandis que des « dizaines » de militaires et paramilitaires sont morts sans qu’aucun bilan précis ne soit disponible. Environ 600 personnes ont été blessées.
Au Darfour, dans l’ouest du pays, trois humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués « en accomplissant leur travail », a annoncé l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes. Il ajoute que des « bâtiments humanitaires auraient été touchés et d’autres pillés au Darfour », bastion historique des FSR, gagné par les combats entre armée et paramilitaires. Le PAM a annoncé la suspension de ses opérations dans le pays.
3 Qui sont les protagonistes ?
Le conflit couvait depuis des semaines entre les deux généraux. L’un des points de désaccord est l’intégration des paramilitaires des Forces de soutien rapide au sein de l’armée régulière.
Abdel Fattah Al-Burhane. Ce général est le chef des forces armées et le numéro un de fait du pays. Comme le raconte le New York Times (en anglais), il a servi sous l’ancien président Omar El-Béchir et a pris la tête de l’armée dans la foulée du renversement du dictateur, en avril 2019. Après l’accord signé cette année-là entre civils et militaires, Abdel Fattah Al-Burhane dirige le conseil souverain, un organe censé superviser la transition vers la démocratie. Mais, le 25 octobre 2021, il renverse le gouvernement civil. Depuis le début des combats samedi, Al-Burhane n’a pas fait de déclaration publique.
Hamdane Daglo, dit « Hemedti ». Il dirige depuis 2013 les FSR, une armée de paramilitaires issue des Janjawid, ces milices violentes qui ont combattu les rebelles au Darfour. Comme son rival, il est lié au dictateur Omar El-Béchir, puisque c’est ce dernier qui l’a nommé à la tête des FSR. Ces dernières sont devenues au fil des années une force puissante. Selon la BBC (en anglais), elles sont intervenues au Yémen et en Libye et contrôlent certaines mines d’or du Soudan.
En octobre 2021, Hamdane Daglo s’associe avec Al-Burhane pour prendre le pouvoir, devenant de fait le numéro deux du pays. Depuis samedi, « Hemedti » a enchaîné les interviews aux chaînes de télévision du Golfe, dont plusieurs Etats sont ses alliés. Il a multiplié les injures contre son rival, qualifié de « criminel ».
4 Quelles sont les réactions à l’étranger ?
La communauté internationale, qui a assisté impuissante au coup d’Etat d’octobre 2021 et n’est pas parvenue depuis à convaincre les généraux de signer un plan de sortie de crise, multiplie les appels au cessez-le-feu. Le dernier en date est venu de Pékin. La Ligue arabe se réunit en urgence au Caire, à l’appel de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, deux acteurs influents au Soudan.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé les deux hommes pour réclamer « un arrêt immédiat de la violence ». Il a également exhorté le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, à agir. Son porte-parole a aussi condamné la mort de trois humanitaires du Programme alimentaire mondial : les responsables doivent être « traduits en justice au plus tôt », a-t-il réclamé.