C’est une première dans l’histoire des Etats-Unis. L’ancien président Donald Trump a été inculpé au pénal, jeudi 30 mars, pour avoir acheté le silence d’une actrice X en 2016. Depuis plusieurs années, la justice cherche à déterminer si, avec ce paiement de 130 000 dollars (environ 120 000 euros) à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels (de son vrai nom Stephanie Clifford), l’ancien président républicain s’est rendu coupable de fausses déclarations, ce qui constituerait une infraction mineure, ou de manquement aux lois sur le financement électoral, ce qui serait là un délit pénal.
En janvier, le procureur démocrate de Manhattan avait confié ce dossier à un grand jury, composé de citoyens tirés au sort. Chargés d’enquêter pour déterminer s’il existait suffisamment d’éléments pour lancer des accusations formelles, ils avaient invité Donald Trump à s’exprimer mi-mars. L’ex-président n’avait pas répondu à cette convocation.
Jeudi, après trois heures de discussions à huis clos, ce grand jury a adopté un acte d’accusation dont les charges n’ont pas été rendues publiques. Une décision qui n’est que la première étape d’un long chemin judiciaire. Franceinfo revient sur les suites possibles de cette enquête.
1 Que va-t-il se passer dans les prochains jours ?
La prochaine échéance pourrait arriver mardi. L’ancien président doit être formellement inculpé par la justice de l’Etat de New York et son procureur pour Manhattan, Alvin Bragg. « Nous nous attendons à ce que la lecture de l’acte d’accusation ait lieu mardi », a déclaré son avocate, Susan Necheles, dans un courriel transmis à l’AFP. S’il refusait de se présenter, Donald Trump pourrait être arrêté et conduit de Floride, où il vit, vers New York. Selon les médias américains, l’ancien dirigeant de 76 ans devrait toutefois accepter de se présenter de lui-même devant la justice new-yorkaise.
Le milliardaire devra donc se rendre au tribunal de Manhattan pour la lecture de l’acte d’accusation par un juge. « Il sera photographié, ses empreintes digitales seront enregistrées et Trump sera présenté à un juge qui lui demandera ce qu’il compte plaider : c’est certain qu’il dira ‘non coupable' », affirme à l’AFP Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond, en Virginie.
2 De quoi pourrait être accusé l’ex-président ?
Il est pour le moment difficile de répondre à cette question, car on ne connaît pas encore les charges qui pèsent contre l’ancien président des Etats-Unis. Les premières informations font état de deux chefs d’accusation possibles.
L’ancien président pourrait d’abord être accusé de fausses déclarations dans cette affaire. En 2016, son ancien avocat avait versé 130 000 dollars à Stephanie Clifford contre un accord de confidentialité de l’actrice sur une supposée liaison extraconjugale avec candidat républicain. Or, cet avocat a obtenu le remboursement par la Trump Organization des sommes engagées grâce à des documents falsifiés. L’ex-avocat de Donald Trump assure que l’ancien président était au courant des faux frais juridiques et du contrat d’honoraires, rapporte le New York Times*. Donald Trump pourrait s’accommoder d’une condamnation pour ces déclarations incorrectes, qui constitueraient une infraction mineure.
La menace, plus grave, d’une accusation de violation de la loi électorale plane également sur l’ancien président. La justice américaine pourrait en effet estimer que le paiement, effectué pour acheter le silence de l’actrice, a été fait dans le but d’influencer la campagne présidentielle 2016. Les procureurs new-yorkais pourraient faire valoir que le paiement représentait une contribution illicite à la campagne de Donald Trump, expose le New York Times. Si cette qualification était retenue, Donald Trump encourrait une peine maximale de quatre ans de prison, explique encore le Washington Post*.
3 Quelles peuvent être les suites judiciaires ?
Il est probable que les avocats de Donald Trump engagent une bataille juridique pour tenter de faire invalider son inculpation. S’ils n’y parviennent pas, le cours normal de la justice prévoit trois scénarios après une inculpation :
- Les charges peuvent être abandonnées. C’est relativement fréquent et souvent lié à l’arrivée d’un nouveau procureur. Mais compte tenu du retentissement de l’affaire, cette issue est assez peu probable.
- Donald Trump peut passer un accord. Ses avocats peuvent négocier avec les procureurs et accepter de plaider coupable pour s’éviter un procès et obtenir une condamnation plus légère. Cette hypothèse est également peu probable, Donald Trump clamant à l’envi son innocence.
- La justice organise un procès. Mais avant cela, plusieurs procédures doivent être respectées, avec diverses audiences préalables. Là encore, il est probable que les avocats de Donald Trump usent de tous les leviers possibles pour retarder cette échéance.
4 Cette procédure peut-elle l’empêcher de briguer un second mandat ?
Absolument pas. Aux Etats-Unis, une personne accusée au pénal ou condamnée peut être candidate à n’importe quel poste et élue. Donald Trump, qui s’est lancé déclaré candidat à la présidentielle de 2024 dès novembre, a déclaré qu’il ne renoncerait pas s’il était inculpé, rapporte la chaine CNN*.
La Constitution prévoit une seule exception à l’exercice d’une fonction officielle : avoir participé à une « insurrection » ou à une « rébellion » contre les Etats-Unis. Donald Trump, qui s’est lancé dès novembre dernier dans la course à la présidentielle de 2024, fait l’objet d’une enquête de la justice fédérale pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021, mais aucune charge n’a été retenue contre lui à ce stade.
* Les liens suivis d’un astérisque sont en anglais.