« Le monde dépend de ces approvisionnements ». Le chef de l’agence humanitaire des Nations unies (Ocha), Martin Griffiths, a été clair, vendredi 17 mars, à la veille de l’accord de Moscou sur la prolongation de 60 jours de l’accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes. Cet accord, signé en juillet 2022 sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, et baptisé « Initiative céréalière de la mer Noire », permet, malgré la guerre entre la Russie et l’Ukraine, d’approvisionner une grande partie du monde en céréales et en engrais, les deux pays « étant les principaux fournisseurs de ces produits sur les marchés mondiaux », saluent les Nations unies dans un communiqué, samedi 18 mars. Le même jour, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a salué un agrément « essentiel pour la sécurité alimentaire mondiale, en particulier pour les pays en développement ». Voici pourquoi.
Parce qu’il permet la circulation de denrées vitales en mer Noire
Concrètement, l’accord met en place des « couloirs sécurisés » de circulation maritime en mer Noire, pour permettre le déplacement de navires marchands. Il soumet Kiev et Moscou à un engagement de non-agression de ces bateaux transportant des céréales et des engrais le temps que dure l’accord. Moscou et Kiev se sont, samedi, accordés pour un renouvellement d’une durée de 60 jours. « Cela permettra au monde d’obtenir encore plus de produits agricoles ukrainiens. Nous continuons également à travailler pour ajouter des ports de la région de Mykolaïv à l’Initiative céréalière et à élargir la gamme de marchandises », a déclaré sur Facebook le ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandr Kubrakov, le jour de la prolongation.
L’Initiative céréalière de la mer Noire a permis, depuis le mois de juillet, d’exporter près de 25 millions de tonnes de marchandises depuis les ports ukrainiens, détaille le site web de l’Initiative (en anglais), dont 50% de maïs, 27% de blé et 5% d’huile de tournesol.
Parce qu’il aide à contenir la hausse des prix de certaines denrées essentielles
Si l’Initiative est salutaire pour l’accès de nombreuses personnes à des produits alimentaires de base, c’est parce qu’elle contribue « à stabiliser les prix alimentaires mondiaux qui étaient déjà à des niveaux records avant même la guerre – un véritable cauchemar pour les pays en développement », exposait le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le 22 juillet 2022.
L’une des conséquences de la guerre en Ukraine est en effet une flambée des prix de certaines céréales comme le blé, provoquant mécaniquement une hausse de plusieurs produits (le pain, la farine…) dérivés de cette céréale. « Les prix du blé au niveau mondial ont pris entre 100 et 150 dollars la tonne » depuis le début de la guerre, estimait le professeur d’histoire économique Philippe Chalmin sur franceinfo le 6 juin 2022.
« Les prix des engrais sont actuellement deux à trois fois plus élevés qu’avant le Covid-19 », évaluait pour sa part la secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), Rebeca Grynspan, dans une tribune publiée dans Le Monde, le 14 mars.
Mais la mise en place de l’accord « a manifestement réussi à faire baisser les prix », notait cependant l’ONU en octobre dernier, se félicitant « du fait que les prix [avaient] baissé pendant cinq mois consécutifs : l’indice des prix alimentaires a diminué de près de 14% depuis le pic de mars [2022]« .
Parce qu’il doit répondre (en partie) à la crise alimentaire mondiale
Le jour de la conclusion de l’accord, le 22 juillet, Antonio Guterres avait également salué le fait que l’Initiative « apporterait un soulagement aux pays en développement au bord de la faillite et aux personnes les plus vulnérables au bord de la famine ». Au lendemain du déclenchement du conflit, les Nations unies redoutaient en effet l' »effondrement du système alimentaire mondial », comptabilisant par exemple 19 pays sur le continent africain dépendant à 100% du blé russe ou ukrainien. En octobre, le Programme alimentaire mondial (PAM) alertait sur la hausse, « de 282 millions à 345 millions au cours des premiers mois de 2022 », du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde.
Parmi les exportations russes et ukrainiennes permises par l’accord malgré le conflit, un tiers va aux pays en développement, directement menacés par des pénuries alimentaires. « Ces approvisionnements alimentaires (…) ont atteint 43 pays depuis août » et « près de 44% du blé exporté a été expédié vers des pays à revenu faible ou intermédiaire, dont 64% vers des économies en développement », détaillait l’ONU en janvier, précisant que le PAM « a acheté [en 2022] 8% du total de blé exporté grâce à cet accord, pour soutenir ses opérations humanitaires dans les régions du monde frappées par la faim ».
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