Ce samedi 4 mars, en fin de journée, 135 ressortissants maliens sont arrivés à Bamako, rapatriés par avion de Tunisie. Ils ont été accueillis par le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Sadio Camara, et le ministre des Maliens établis à l’étranger, Alhamdou Ag Ilyene, qui a expliqué que le gouvernement malien avait affrété l’avion. Selon le ministre, 97 hommes, 25 femmes et 13 enfants étaient à bord de l’appareil.
À Abidjan, un vol de 145 passagers a également atterri en fin de journée. Ils ont été accueillis par le Premier ministre, Patrick Achi, et plusieurs ministres, puis ont été conduits dans un centre d’accueil où ils passeront trois jours pour une prise en charge médicale et psychologique, avant de retrouver leurs familles.
Le 21 février, le président Kaïs Saïed avait affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Ce discours, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie, où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.
« Les Tunisiens ne nous aiment pas »
Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et de ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligé de partir mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi », disait Bagresou Sego, samedi, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport.
Arrivé il y a 4 ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de master en pleine année universitaire : « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité. » Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent : « On demande au président Kaïs Saïed avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter. »
Selon le gouvernement ivoirien, 1 300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Un chiffre significatif pour cette communauté qui, avec environ 7 000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée.
Issus souvent de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou centres de formation en Tunisie. Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants. L’Association des étudiants étrangers Aesat a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d’«une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de Kaïs Saïed, l’Aesat avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Une directive prolongée au moins jusqu’au 6 mars.
Exonération des pénalités
Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné d’un « déferlement de haine » après le discours du président tunisien. Bon nombre des 21 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement. Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices » qui les pourchassent et les détroussent.
Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriés. D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international des migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.
La Tunisie a décidé samedi d’exonérer les ressortissants d’Afrique subsaharienne qui veulent retourner volontairement dans leur pays des pénalités imposées aux personnes en situation irrégulière (80 dinars, soit 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient les 1 000 euros.
avec AFP