Drogue: les médecins guinéens sur le terrain face aux ravages de la «kush»
20 décembre 2022
Prenez du cannabis et ajoutez-y des produits chimiques qui vont décupler les effets psychoactifs sur le consommateur ! C’est la recette de la nouvelle drogue qui est arrivée en Guinée l’été dernier. Dans ce pays voisin, elle s’est déjà imposée comme l’une des drogues les plus populaires des ghettos. Reportage auprès des médecins qui s’occupent des usagers.
Un débarcadère en proche banlieue de Conakry. Le docteur Thierno Bah, médecin et expert en politique anti-drogue, est venu ici parler des dangers de la kush. « Quand tu consommes, tu es d’abord très agité, tu es somnolent, tu comprends ? Et tu as des hallucinations ». Le médecin s’arrête devant un petit atelier de préparation de marijuana.
Il s’adresse à un revendeur, également consommateur : « Ça agit sur le système nerveux central, le taux d’oxygène baisse, c’est la raison pour laquelle la personne fait beaucoup d’effort pour respirer, c’est l’asphyxie. Et malheureusement, la personne décède. Ce sont les conséquences liées à cette drogue ».
Le docteur Bah est le directeur général de l’Institut itinérant de formation et de prévention intégré contre la drogue, un organisme étatique. Cela fait plus de trois mois maintenant qu’il travaille sur la kush.
« Je m’occupe de certains malades. On nous a signalés qu’une nouvelle drogue était sur le marché. Et on a compris que la porte d’entrée de cette drogue provenait des débarcadères. Et c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui, pour sensibiliser cette jeunesse. » Cette drogue est puissante et très facile d’accès grâce à son prix modique, elle ne coute que 5 000 francs guinées la dose (50 centimes d’euros).
« Le commissariat, c’est la mort assurée »
Selon le médecin, il faut en finir avec le tout répressif : « Bien sûr qu’il faut lancer un appel, il faut changer de stratégie. Vous savez ailleurs, les forces de défense et de sécurité font de la prévention. Les usagers de drogue ont droit, eux aussi, à la santé. On a essayé d’échanger avec nos services de santé à proximité des débarcadères pour leur dire que « si vous amenez ces gens qui viennent se soigner vers les commissariats ou la gendarmerie, vous les condamnez et c’est la mort assurée dans le quartier. Et c’est ce qui se passe maintenant », souligne le docteur Bah.
C’est le seul addictologue en Guinée pour un pays qui compte 13 millions d’habitants. Le professeur Mamady Mory Keïta a créé, il y a deux ans, le Centre médico-psychologique Croix bleue : « on a onze lits au total, malgré la demande, il n’y a pas de moyens suffisants ».
Il manque de tout : de médicaments notamment. Deux usagers de kush ont déjà été pris en charge ici. Le professeur Keïta évoque leurs symptômes : « Ce sont des délires avec des mécanismes hallucinatoires, c’est-à-dire qu’ils entendent des voix, explique le professeur. Et ils peuvent se blesser et même se donner la mort ».
En attendant de mieux comprendre cette nouvelle drogue et ses effets, la Guinée doit miser sur la prévention, conclut le professeur Keïta.
Rfi