Le Ghana s’apprête à échanger son or contre du pétrole
30 novembre 2022Deuxième producteur d’Afrique, le pays veut troquer son or contre du carburant afin de reconstituer ses réserves de change et ainsi sauver son économie.
Jusque très récemment, l’information est restée confidentielle. Mais le Ghana a bel et bien entamé des pourparlers avec la société pétrolière Emirates National Oil Company (ENOC), basée à Dubai, pour un accord qui permettra à la nation ouest-africaine d’acheter du carburant avec de l’or. Un accord « provisoire », a tenté de rassurer Kabiru Mahama, conseiller économique du vice-président Mahamudu Bawumia.
Selon les directives émises par Samuel A. Jinapor, le ministre ghanéen des Terres et des Ressources naturelles, les grandes sociétés d’extraction d’or seront tenues dès 2023 de « vendre 20 % de tout l’or raffiné dans leurs raffineries à la Banque du Ghana ». Un programme or contre pétrole fait partie du plan du gouvernement ghanéen pour enrayer la nouvelle chute des réserves de change du pays. Et également réduire la demande de dollars après la chute de 57 % de sa monnaie, le cedi, désormais l’une des devises les moins performantes du monde. Le Ghana produit du pétrole brut, mais dépend des importations de produits pétroliers raffinés depuis la fermeture de sa seule raffinerie après une explosion en 2017. Il a vu sa monnaie cedi chuter de plus de 40 % par rapport au dollar américain, plus fort cette année après les augmentations des taux d’intérêt américains.
L’idée d’échanger du pétrole contre de l’or remonte aux années 1970 et concernait à l’époque les pays du Golfe après l’abandon de l’étalon-or par Richard Nixon. Plus récemment, c’est l’Iran qui y a eu recours afin de contourner les sanctions américaines. Concrètement, le Ghana a commencé à acheter de l’or dès l’an passé pour la première fois en soixante ans, toujours dans le but de renforcer ses réserves de change.
Un cercle vicieux
Chaque année, le gouvernement dépense environ 10 milliards de dollars par an en importations, dont 48 % sont consacrés à l’achat de carburant. Il s’attend à ce que le troc de l’or contre du brut raffiné l’aide à reconstituer des réserves internationales brutes qui sont tombées à 6,7 milliards de dollars fin octobre. Pour cela, la Banque du Ghana achètera l’or des sociétés minières en cedis. Parmi les géants aurifères actifs au Ghana, on compte les sud-africains AngloGold Ashanti et Gold Fields, l’australien Perseus Mining ou le canadien Galiano Gold.
À cause de l’affaiblissement de sa monnaie qui alimente l’inflation et épuise à son tour les réserves de change du pays, le gouvernement du président Nana Akufo-Addo a perdu l’accès aux marchés internationaux des capitaux cette année. Un cercle vicieux qui a provoqué la flambée des coûts de la dette et du service des prêts. « Le troc d’or extrait de manière durable contre du pétrole est l’un des changements de politique économique les plus importants au Ghana depuis l’indépendance. Si nous le mettons en œuvre comme prévu, cela modifiera fondamentalement notre balance des paiements et réduira considérablement la dépréciation persistante de notre monnaie avec ses augmentations associées des prix du carburant, de l’électricité, de l’eau, des transports et des denrées alimentaires », a fait valoir le vice-président ghanéen Mahamudu Bawumia. « Ces directives aideront également les raffineries d’or locales », a annoncé le vice-président ghanéen.
La pression monte autour des autorités
Le ministre des Finances du Ghana a déclaré que le pays courait un risque élevé de surendettement avec une dette extérieure estimée à plus de 6 milliards de dollars. Il y a donc urgence pour le gouvernement d’agir, car la chute de la devise a également entraîné une accélération de l’inflation à 40,4 % en octobre, d’après Bloomberg. Cela a incité la banque centrale à augmenter les coûts d’emprunt de 250 points de base à 27 %, soit le niveau le plus élevé depuis plus de dix-neuf ans. Les commerçants ont fermé leurs magasins le mois dernier pour protester contre la hausse du coût des biens et des services alors que les citoyens dénoncent le coût élevé de la vie. La confiance du marché est également très faible alors que le pays d’Afrique de l’Ouest négocie avec le FMI un accord de 3 milliards de dollars américains pour aider à restructurer l’économie. « Nous sommes en crise, je n’exagère pas quand je le dis », a alerté, en personne, le président Nana Akufo-Addo dans un sombre discours télévisé fin octobre. En 2006, après la sortie du Ghana d’un programme spécial d’allègement de la dette du FMI et de la Banque mondiale, la dette du pays s’élevait à 25 % de son PIB. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à près de 80 %.
Parmi les mesures déjà annoncées figurent le gel des embauches de fonctionnaires, un moratoire sur les achats de véhicules et de voyages non essentiels des officiels.
Le Point