Procès du 28 septembre 2009 en Guinée: «Il n’y avait pas de volonté politique que la vérité soit sue»

Procès du 28 septembre 2009 en Guinée: «Il n’y avait pas de volonté politique que la vérité soit sue»

26 septembre 2022 Non Par LA RÉDACTION

Le procès du massacre du 28 septembre 2009 s’ouvre mercredi 28 septembre en Guinée. Des militaires avaient tué au moins 157 personnes et violé 109 femmes dans le principal stade de Conakry alors que des milliers d’opposants s’étaient rassemblés pour refuser la candidature de Moussa Dadis Camara. Treize ans plus tard, le procès s’ouvre dans un contexte politique qui reste tendu. Qu’attendent les autorités de transition de ce travail de la justice ? Que répondent-elles par ailleurs aux critiques de l’opposition sur le dialogue politique et la durée de la transition ? Le porte-parole du gouvernement de transition, Ousmane Gaoual Diallo, est l’invité de RFI.

 

Un procès historique va s’ouvrir ce mercredi à Conakry, le procès du massacre du 28 septembre 2009. Qu’est-ce que le gouvernement de transition attend de ce procès ?

Ousmane Gaoual Diallo : Plusieurs choses. D’abord que la justice puisse rétablir la vérité. Et puis, que cela soit aussi un élément qui va renforcer la mémoire collective, parce que lorsqu’un pays partage comme ça dans l’émotion des souffrances individuelles, cela peut contribuer aussi à renforcer les liens entre les acteurs. Et c’est important.

Justement, comment expliquez-vous qu’il a fallu 13 ans depuis les évènements pour que ce procès ait lieu ?

Cela montre qu’il n’y avait pas de volonté politique tout simplement, il n’y avait pas de volonté de ceux qui gouvernaient que la vérité soit sue.

Et qu’est-ce qui explique ce manque de volonté politique, selon vous ?

Peut-être que le procès peut expliquer une partie. Peut-être que des acteurs de ce massacre-là avaient pignon sur rue et ils avaient encore les moyens d’agir sur des leviers de l’État pour que le procès ne puisse pas avoir lieu. Treize ans se sont écoulés. On aurait pu faire ce procès, il y a très longtemps.

La création d’un fonds d’indemnisation des victimes a été annoncée il y a quelques jours. Est-ce que cela veut dire que l’État est prêt à travers ce fonds à prendre ses responsabilités vis-à-vis des victimes ?

Parce qu’il faut le dire aussi, la plupart des victimes, ce sont des victimes d’État. En Guinée, c’est l’État guinéen qui, à travers son histoire, a infligé des souffrances aux populations. Ce ne sont pas les conflits communautaires, c’est l’État guinéen. Donc, c’est à l’État d’assurer sa part de responsabilité en apportant des ressources, mais aussi en intégrant l’histoire collective, ces vérités que nous entendrons, des procès et la pédagogie nécessaire pour que ces histoires ne se répètent pas dans notre pays.

Lundi 19 septembre, le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya a annoncé la création d’un cadre de dialogue inclusif pour essayer d’organiser des échanges constructifs entre le gouvernement, les partis politiques et la société civile, au sujet de la transition. Qu’est-ce que ce cadre pourra offrir de plus ou de différent par rapport à ce qui a été mis en place jusqu’ici ?

Nous avions mis en place un cadre de concertation avec les mêmes acteurs. Une partie de la classe politique guinéenne et de la société civile a estimé que la Guinée avait besoin de dialogue, pas de concertation. Donc, nous avons accédé à cette demande. Nous avons mis en place…

 

Qu’est-ce qui est différent entre dialogue et concertation ?

Je pense que c’est une question sémantique peut-être qui intéresse leur psychologie. Mais dans le fond, il n’y avait pas de différence. Et une partie de la classe politique guinéenne n’est pas encore disposée à aller de l’avant, à inventer des mécanismes de règlement de nos divergences.

Ce que dit aussi cette partie de la classe politique guinéenne, c’est qu’il y a un problème de contenu sur les dialogues qui ont lieu jusqu’ici. L’opposant Cellou Dalein Diallo, qui était il y a quelques jours sur notre antenne, expliquait qu’il attendait de ce dialogue qu’il permette enfin de parler de l’organisation des élections, des modalités de sortie de cette transition, de cette période d’exception. Pourquoi est-ce que ces questions importantes n’ont pas encore pu être mises sur la table ?

Elles sont sur la table, sauf qu’il faut venir pour en parler. Lorsque nous, nous prenons l’initiative de parler de ces questions, ils disent que nous agissons de façon unilatérale. Nous disons : « on ne fixe pas le contenu. Venez, déterminons ensemble le contenu et les méthodes de ce dialogue ».

Mais que répondez-vous à ceux qui disent que les autorités de transition cherchent à gagner du temps pour se maintenir au pouvoir ?

Il faut faire un recensement général de la population à caractère d’état civil, parce qu’il faut adosser les listes électorales sur un état civil, c’est de nature à garantir sa qualité et la transparence. C’est un exercice qui est programmé pour au maximum 24 mois. Est-ce qu’on peut faire cet exercice avec moins de temps ? Ils peuvent le dire : il y a des experts, il y a l’Union européenne qui peut témoigner, la Banque mondiale, le FMI [Fonds monétaire international]… Tous ceux qui veulent pour dire est-ce que c’est un délai exagéré.

Et après, il ne reste plus que douze mois pour organiser toute une série d’élections. Est-ce que c’est exagéré ? Est-ce que c’est abusif ? Je pense qu’il faut être objectif. Il faut encore une fois nous juger sur les faits et sur ce que nous faisons, et pas sur les préjugés que les uns et les autres construisent sur cette transition.