Guinée : Dix ans après les pillages de 2015, les victimes réclament justice et réparation

Guinée : Dix ans après les pillages de 2015, les victimes réclament justice et réparation

9 octobre 2025 Non Par Doura

Dix ans jour pour jour après les violents pillages et destructions qui avaient frappé les marchés de Madina, Matoto, Kissosso et Entag, les membres de l’Association des Victimes de Pillages et Destructions au Cours des Événements Pré-électoraux (AVPDPE 2015) ont tenu une déclaration publique pour rappeler leur calvaire et interpeller les autorités guinéennes.

Réunis à la maison de la presse, les victimes ont exprimé avec amertume et désarroi leur sentiment d’abandon face à ce qu’elles qualifient de « barbarie d’un autre âge ». Les événements tragiques des 8 et 9 octobre 2015, survenus en pleine campagne présidentielle, avaient provoqué la destruction totale de plusieurs commerces dans les communes de Matam et Matoto, relevant du Gouvernorat de Conakry.

« Nous avons vu nos économies de plusieurs décennies s’envoler en deux jours, sous le regard impuissant de l’État censé assurer notre protection », déplore un porte-parole de l’association》 a indiqué Ibrahima Tall , président de la structure

404 victimes, plus de 144 milliards de francs guinéens de pertes

Selon le rapport établi par huissiers de justice, 404 victimes ont été recensées, pour un préjudice total estimé à 144 738 718 894 francs guinéens.
Les pertes concernent notamment des boutiques, kiosques et magasins entièrement saccagés ou incendiés, dans plusieurs zones commerciales de la capitale.

Ces pertes, ventilées par zones, oscillent entre 2 et 12 milliards FG selon les quartiers touchés. Certains commerçants affirment avoir tout perdu : marchandises, locaux, économies et, pour beaucoup, leurs moyens de subsistance.

Un État jugé défaillant

L’AVPDPE rappelle que les commerçants s’acquittent régulièrement de leurs impôts et taxes auprès des communes et du gouvernorat, et qu’en retour, l’État a l’obligation de garantir la sécurité des citoyens et de leurs biens, une mission régalienne selon les articles 1, 29 et 280 du Code des Collectivités Locales, ainsi que les articles 1097 et 1099 du Code civil.

« Les communes de Matam, de Matoto et le Gouvernorat de la Ville de Conakry, en tant que démembrements de l’État, sont donc tenus à réparation », précise l’association, qui a introduit une action judiciaire en responsabilité civile depuis le 19 décembre 2015 devant le Tribunal de Première Instance de Conakry III, assistée par Maître Salifou Béavogui, avocat à la cour》 ajoute Ibrahima Tall 

Dix ans d’attente, dix ans de souffrance

Derrière les chiffres, des drames humains : des familles ruinées, des enfants déscolarisés, des commerçants tombés dans la précarité.
Malgré plusieurs démarches, les victimes affirment n’avoir reçu ni indemnisation, ni assistance, ni même un geste symbolique de la part des autorités.

« Nous entendons les appels au pardon lancés par l’ancien président Alpha Condé, mais avant le pardon, il faut la réparation », insistent les responsables de l’association》 a t-il fait savoir

Appel à la solidarité nationale et internationale

À l’occasion de ce dixième anniversaire, l’AVPDPE 2015 a lancé un appel à l’opinion nationale et internationale, aux organisations de défense des droits humains, ainsi qu’à toutes les personnes de bonne volonté, pour qu’elles se mobilisent en faveur de la reconnaissance et de la réparation de ces injustices.

Pour ces victimes, la mémoire de ces journées sombres doit servir de leçon nationale et rappeler la nécessité d’un État protecteur et juste, garant de la sécurité et du droit pour tous les citoyens.


Yayé Barry